En janvier 2020, dans le discours des voeux du Maire de Bellerive-sur-Allier, Mr. Sennepin, celui-ci avait vanté le bilan environnemental de la commune en citant une distinction obtenue de la part de "la Fredon". Mais que vaut ce label, à l'heure du "green-washing" ?
Une courte enquête a permis de mettre au jour trois faits:
1 - la Fredon n'est pas un organisme qui délivre des labels ou des certifications. 2 - Le "niveau 3" de sa charte n'engage qu'à se conformer à la loi.
3 - La Fredon a même des liens financiers avec l'industrie des produits chimiques phytosanitaires.
1 - La Fredon n'est pas un organisme de labelisation ou de certification
La Fredon, Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles, est un organisme commercial, un prestataire de service. Comme l'explique son site web, "FREDON Auvergne-Rhône-Alpes, forte de son expérience de plus de 15 ans dans le domaine, propose une gamme de services et prestations dédiées à la gestion du végétal en milieu urbain."
Nulle part dans l'énoncé de ses missions, on ne retrouve son rôle d'organisme de certification ou de labelisation. Sa mission est principalement la lutte contre les organismes nuisibles comme les maladies, insectes ou champignons ... mais par quels moyens ?
La Fredon était probablement un organisme de vente de pesticides auprès des collectivités locales, puisque son catalogue offre encore des gants, combinaisons, masques et cartouches pour se protéger lors des épandages de pesticides.
Extrait du catalogue de la Fredon Auvergne-Rhône-Alpes
Or, depuis le 1° janvier 2017, l'article 68 de la loi de Transition Energétique interdit aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’à l’Etat et aux établissements publics, d’utiliser des produits phyto-pharmaceutiques "pour l'entretien des espaces verts, des forêts, des voiries ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé."
Alors, la Fredon s'est reconvertie en vendant d'autres techniques de contrôle des nuisibles, mais aussi... du rêve, ou du moins, un vernis d'écologie, une étiquette, un argument électoral.
Car c'est bien ainsi qu'on peut interpréter la Charte qu'elle propose aux municipalités, et qui est citée dans le programme électoral du Maire sortant.
2 - Le "niveau 3" de la charte de la Fredon n'engage qu'à se conformer à la loi
Car même si la Fredon ne porte aucun label ou certification, elle propose à ses clients d'adhérer à une Charte de bonnes pratiques en choisissant un niveau d'engagement.
Or, le niveau trois, dit "niveau le plus haut", celui que la ville de Bellerive a adopté, n'engage qu'à respecter la législation en vigueur et à faire une campagne (aussi courte et rapide soit-elle) de communication avec les habitants pour qu'eux aussi se conforment à la loi, puisqu'ils ne doivent plus utiliser ces produits depuis le 1° janvier 2019.
Extrait de la Charte de la Fredon
L'obtention du niveau 3 donne l'apparence d'un réel effort et d'un réel engagement, mais la charte précise bien qu'une municipalité peut choisir de passer directement au niveau 3, sans nécessairement respecter les consignes des niveaux inférieurs, 1 et 2. Or, c'est précisément le niveau 3 qui est le moins significatif, puisqu'on s'engage simplement à respecter la loi...
Du rêve, pour pas cher ... c'est ce que la Fredon vend aux Bellerivois, via sa municipalité.
A ce tour de passe-passe s'ajoute le fait que la Charte de la Fredon est l'expression d'une intention pour l'avenir, et non un état de fait vérifiable et vérifié, comme pourrait l'être un label. Et en cela, le programme du candidat Sennepin est plutôt trompeur, puisqu'il utilise le mot "label", au lieu de Charte, et fait croire qu'il serait difficile, "ambitieux", de conserver le niveau 3 de la Fredon.
Extrait du programme électoral de Mr. Sennepin,
"Bellerive, ce lien qui nous unit", février 2020, p. 21.
Notre "détecteur de green-washing" a bien eu raison de sonner l'alarme, mais ce n'est pas tout...
3 - La Fredon a des liens avec l'industrie des produits phytosanitaires
En effet, la Fredon opère un laboratoire d'analyse des végétaux malades, la "clinique du végétal". Au bas de la page web de ce laboratoire figure le logo du Réseau Français pour la Santé Végétale:
Le site web du RFSV explique qu'il rassemble, entre autres, "des organisations professionnelles et à vocation sanitaire, de l’industrie, divers acteurs de la protection et santé des plantes" et qu'il est "co-animé par l’ACTA, l’ANSES, l’INRA et l’UIPP."
L'UIPP (Union des Industries de la Protection des Plantes) est "une association professionnelle composée de 22 entreprises qui mettent sur le marché des produits phytopharmaceutiques à usage agricole et proposent des solutions d'accompagnement."
Ses membres ? Syngenta et Bayer-Monsanto ... si l'on en croit la page qui liste ses adhérents. En d'autres termes, L'IUPP n'est pas autre chose qu'un groupement professionnel (également appelé "lobby") de fabricants et de distributeurs de produits chimiques phytosanitaires.
Mais il avance voilé et surtout, plein de bonnes intentions. Ces méthodes ont déjà été dénoncées par des défenseurs de l'environnement:
"La technique est simple et au moins aussi ancienne que le personnage de Tartuffe, créé par Molière à la fin du XVII ème siècle. Il suffit de se faire le chantre de ce que l’on détruit, devenir le médecin de la maladie qu’on a inoculée, avoir à coeur d’éteindre l’incendie qu’on a allumé …"
C'est toute l'ambuiguité de la Fredon, qui se targue de recourir à des moyens non chimiques, mais est financée, indirectement, par les industriels de la chimie.
Poursuivons la lecture du témoignage de ce connaisseur et critique de l'UIPP, qui analyse son hypocrisie lorsqu'elle prétend aider les agriculteurs atteints d'une maladie liée aux phytosanitaires:
"Un récent article de La nouvelle revue du travail consacré aux agriculteurs victimes des pesticides soulignait la manière dont les industriels de la chimie phyto-sanitaire, réunis en un groupe de pression finement baptisé UIPP (Union des Industries de la Protection des Plantes) étaient passés maîtres dans l’art de détourner l’image de leurs victimes à leur propre profit, en accompagnant leur démarche..."
Et encore:
"Il faut enfin évoquer un autre aspect fondamental dans la compréhension de cette affaire, dénoncé dans la mobilisation des agriculteurs phytovictimes : la prédominance de l’industrie phytosanitaire dans tous les canaux d’information, de prévention et de protection des agriculteurs. Ce phénomène d’omniprésence des industriels contribue de fait à entretenir leur domination dans la maîtrise du « problème pesticide », et notamment vis-à-vis des victimes.”
Cette excellente communication en direction des agriculteurs se retrouve aussi en direction des communes et de leurs électeurs ...
Mais revenons au Réseau Français pour la Santé Végétale. En 2014, il organisait son sixième séminaire et donnait la parole à Luc Peeters, représentant du Copa-Cogeca, le lobby agricole européen qui soutenait haut et fort "la ré-autorisation pour 15 ans du glyphosate, l'un des herbicides les plus utilisés, puisqu'il ne présente pas de risques en termes de sécurité."
Tartuffe se serait-il invité dans le programme électoral de Mr. Sennepin ?
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